J'ai allumé une autre cigarette. Tu peux pas t'imaginer comme j'aime ça. Il y avait Berlin en fond, il y a souvent Berlin ici en ce moment. Cet album remplit le vide de mauvaises vibrations et de nostalgie, avec sa lourdeur, ces solos qui ne vont nul part, un coulis magnifique, épais et fluide mais qui se révèle dès la première gorgée écoeurant, et au final bien plus malsain qu'un The Idiot, "nightclubbing, we're nightclubbing, we're what's happening", bullshit. Un cendrier improvisé dans un vieux saladier, le dernier cd de l'éxécuteur de Hong Kong, et un bouquin de Allen Ginsberg plus loin. La fenêtre, d'autres fenêtres en face avec des gens devant des ordinateurs. C'est juste déprimant. Chacun se bat pour un peu de reconnaissance, pour trouver l'âme soeur, pour je-ne-sais-quoi, pour une autre réalité. Pour oublier ce qu'ils ont dit, ce qu'ils ont fait, ou plutôt ce qu'ils n'ont pas fait. C'est tellement facile de passer sa vie à ne rien faire. On ne saura jamais ce qui se cache derrière tous ces visages, ils emporteront leurs rêves et leurs folies dieu sait où.
La dernière fois que je suis passé à Orsay, ça remonte à un mois. Il pleuvait, peut être pas, j'étais complétement déconfis, un peu défoncé par la nuit. Je n'ai jamais supporté les musées je crois, enfin, d'une certaine façon. Toute cette agitation pleine de culture, on respire la science à pleine bouffée dans ces endroits là. On la ronge comme des morts de faim. J'ai l'impression parfois de voir des gens qui parlent, parlent, parlent et ne regardent rien, quel intêret, ils connaissent si bien ce magnifique tableau. Ils sont là, avec leurs parapluies, la tête haute, le dos droit, du genre nous sommes partis, conquérants de l'art. Je n'ai rien à dire là dessus. Au milieu de toute cette science et tous ces parapluies, j'ai une authentique vision, un tableau de Gustav Moreau déserté dans un coin, juste parfaitement pur. Je ne saurai pas l'expliquer, il y a une pureté dans les tableaux de Moreau, comme si tout un pan de vie y avait été compressé. Un retour à quelque chose de très brut et très profond.

Sad Song. C'est la fin de l'album.